Emmanuel Paquette

Par Emmanuel Paquette

É.A., Directeur, Études de marché
Côté Mercier Conseil immobilier

Bilan du marché immobilier en 2023

Janvier 2024

Ceux et celles qui s’intéressent à l’immobilier conviendront que l’année 2023 en fut une de défis, tant pour les investisseurs que pour les particuliers. Si l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et la rareté de la main-d’œuvre furent abondamment citées comme sources de tension dans l’économie, certains autres phénomènes peuvent aider à nous rassurer. Le taux de chômage au Québec, annoncé à 5,0 % à la fin de 2023, demeure parmi les plus bas à l’échelle canadienne. Selon l’Institut québécois de la statistique, le revenu disponible des ménages aurait augmenté de plus de 20 % entre 2020 et le troisième trimestre de 2023.

 

Ces conditions placent le marché immobilier dans une situation pour la moindre originale à la lumière de l’évolution historique de cette industrie. Sur le plan résidentiel, les forces contradictoires d’une population et d’un enrichissement ascendants face aux difficultés que connaissent les promoteurs pour construire de nouvelles habitations ont conduit à une rareté aiguë de logements partout au Québec et à une hausse conséquente du coût de l’habitation. Si le revenu disponible des ménages progresse, il ne permet pas à plusieurs ménages d’accéder à la propriété en raison des difficultés qu’ils éprouvent à se financer. Ces facteurs ont conduit à un des plus faibles nombres de mises en chantier que le Québec a connu depuis 2014. Alors qu’environ 35 600 logements de tous types furent construits annuellement dans la province entre 2014 et 2022, seulement 27 705 habitations furent ajoutées au parc résidentiel québécois en 2023.

 

Les taux d’intérêt élevés ont aussi eu leur effet sur le marché industriel, si on exclut les segments de la logistique et de la distribution. Ainsi, les petites et moyennes entreprises de la région de Montréal semblent avoir moins cherché à acquérir ou à louer de nouveaux espaces. Ceci ne représente pas un affaissement de l’immobilier industriel, mais plutôt un rééquilibrage entre l’offre et la demande. Dans leur ensemble, les loyers pour toutes les catégories d’immeubles industriels se maintiennent à des niveaux supérieurs à ceux observés jusqu’en 2019, mais les hausses observées en 2021 et 2022 semblent avoir été freinées.

 

L’investissement en immobilier commercial et de bureaux a pour sa part connu une baisse de l’ordre 46 %, telle que mesurée par la valeur cumulative des ventes enregistrées en 2023 à Montréal.

 

L’investissement dans des immeubles multifamiliaux locatifs et les résidences privées pour aînés ont chacun connu des baisses de volume importantes, démontrant l’effet incisif des hauts taux d’intérêt qui ont prévalu toute l’année.

 

De façon surprenante, le secteur de l’hôtellerie a connu le moins grand recul de ventes si l’on compare sa performance à celle des créneaux évoqués plus haut. Selon les données cumulées par Côté Mercier Conseil Immobilier (CMCI), cette industrie aurait enregistré une baisse d’environ 17 % du volume de transactions, contre des baisses de 46 % à 60 % pour les autres segments. Alors que la somme totale d’argent investie dans des acquisitions d’hôtels au Québec a faibli de 2022 à 2023, le nombre de ventes enregistrées au cours des douze derniers mois a augmenté de 8 % par rapport à celles de 2022. On peut croire que, même si ce type de propriétés est difficile à financer, l’amélioration de l’activité touristique a motivé plusieurs investisseurs à surmonter les défis qui se posent pour y prendre pied ou pour accroître leur participation dans cette industrie.

 

Les sujets à suivre

 

Outre le court des marchés, le monde de l’immobilier en 2023 fut marqué d’événements importants qui continueront d’alimenter les débats en 2024. Notons à ces égards les controversés projets de loi 31 et 22, le premier visant à assouplir le marché de la location résidentielle et le second à réduire les coûts d’expropriation. Alors que des révisions attendues de la loi 31 viseront à atténuer les critiques de cette législation, l’adoption de la loi 22 se poursuivra dans un climat très polarisé entre les partisans de cette réforme et ceux qui bénéficient de la loi actuelle.

 

Une suite est aussi à prévoir dans la révision par la Ville de Montréal de son Règlement sur une métropole mixte, adopté au début de 2021, et fortement critiqué pour n’avoir apporté peu ou pas de résultats par rapport à son objectif qui était de favoriser la construction de logements abordables et communautaires.

 

À plus grande échelle, le suspense règne toujours sur les projets structurants de transport collectif, dont l’ancien (ou prochain) REM de l’Est, la mise en chantier définitif du prolongement de la ligne bleue du métro et la mise en service des prochains tronçons du REM.

 

En ce début d’année, plusieurs observateurs semblent anticiper une baisse des taux d’intérêt. Les promoteurs placent leurs espoirs sur une baisse des coûts de construction pour reprendre leur activité, dont certains signes ont percé au dernier trimestre de 2023. Or, un regard fugace sur l’actualité internationale nous rappelle que des forces qui échappent à notre contrôle peuvent rapidement faire tourner le vent. Il n’appartient qu’à nous d’agir sur les leviers que nous possédons pour naviguer dans ces turbulences, comme ce réseau qui nous unit.